Mes chers collègues,
C’est une DM2 particulièrement modeste dans son volume que je vous présente aujourd’hui. Elle s’établit en effet à 2 444 284 €, que je vous demande de comparer aux 572 M€ du budget primitif et de la DM1 me revient la responsabilité de vous la présenter.
Vous en conviendrez avec moi, nous sommes bien dans « l’épaisseur du trait » et vous n’en serez pas surpris puisqu’elle respecte un principe que nous appliquons scrupuleusement depuis 2004 : celui de la sincérité budgétaire. Malgré les incertitudes et les inconnues qui prévalaient lors de l’élaboration du budget primitif, ce dernier a été particulièrement ajusté. Nous sommes simplement dans la mise en œuvre au quotidien de Doubs 2017. Nous nous attachons à tenir les engagements pris au service de nos concitoyens et de nos territoires.
Et, c’est bien parce que cette DM s’inscrit dans le respect des décisions prises lors du BP, à savoir, une rigueur de gestion renforcée, que nous pouvons aujourd’hui favoriser nos investissements. A cet égard, l’effort sans précédent que nous avons engagé pour maîtriser nos dépenses de fonctionnement est poursuivi.
D’abord, bien évidemment, sur les moyens internes à l’institution, à l’exemple des ressources humaines où, je veux le souligner avec force, aucun crédit supplémentaire n’est accordé. Ce ne sont pas les sollicitations.
De même, j’attire votre attention sur des secteurs habituellement « gros » consommateurs de crédits. Je veux parler, mais vous l’aurez deviné, de l’insertion et des solidarités. Non pas, hélas, que le problème du financement des 3 prestations de solidarité (APA, RSA,PCH) aurait soudainement disparu, bien au contraire. Mais simplement parce que les dépenses nouvelles sont financées soit par redéploiement de crédits, soit par des recettes nouvelles.
Ainsi, s’agissant de l’insertion, nous évitons d’inscrire des dépenses supplémentaires, malgré l’abondement de 1 M€ sur le RSA (qui s’ajoute aux 49,3 M€ inscrits au BP pour une compensation attenduee… 34,2 M€ !) pour honorer le versement de l’allocation. En effet, le nombre d’allocataires poursuit sa hausse : 11 269 en juin 2009, 13 369 en juin 2010. Néanmoins, cette dépense nouvelle peut être financée par des dégagements de crédits, en particulier sur les contrats aidés, conséquence d’une politique plus restrictive de l’Etat en la matière. Pour nous, c’est hélas un jeu à somme nulle, puisqu’on peut craindre que les personnes ne pouvant prétendre à un contrat aidé se retrouvent au RSA.
Concernant les solidarités, il ne vous a pas échappé que la DM restitue des crédits (1,1 M€ pour être précis) grâce à une recette nouvelle de 1,8 M€ d’une part au titre de la CNSA, et d’autre part, grâce à une efficacité renforcée de nos services dans le recouvrement des prestations ; illustration concrète de l’effort de gestion qui est le nôtre. Et heureusement, puisque les besoins toujours croissants sur l’APA (19,4 M€ en 2002 contre 45,6 M€ aujourd’hui, charge nette pour le département de 33,6 M€ en 2009), mais aussi sur l’Aide sociale à l’enfance, nécessitent de remettre plus de 2 M€ supplémentaires, dont 1,5 M€ sont financés par des dégagements de crédits.
Mes chers collègues, vous l’observez, le délestage de la solidarité nationale sur les départements reste toujours d’actualité et constitue la cause première de leurs difficultés financières. Les départements sont condamnés à payer sans décider de rien.
Je vous informe à cet égard que lors de sa réunion du 31 août dernier, le bureau de l’ADF s’est prononcé à l’unanimité pour le dépôt d’une proposition de loi posant les principes d’un rééquilibrage du financement des 3 allocations individuelles de solidarité dans le cadre de la solidarité nationale.
Cette démarche consensuelle repose sur un diagnostic partagé : le financement inapproprié d’une partie du système de solidarité nationale menace l’équilibre financier des départements. Ces derniers ne seront plus en mesure à court terme d’assurer le financement de ces allocations, compte tenu de la progression exponentielle des dépenses sociales qui est liée, soit à une conjoncture économique défavorable, soit au vieillissement de la population ou encore à une extension du champ du handicap reconnu par la société.
En attente de jugements du Conseil d’Etat concernant le recours contentieux relatif à la protection de l’enfance, et du tribunal administratif de Besançon pour la compensation financière de la MDPH, je m’associe pleinement à la démarche de l’ADF, qui, si elle n’aboutit pas, nous conduira, comme la plupart des autres départements, à saisir le Conseil Constitutionnel par le biais du Conseil d’Etat d’une question préalable de constitutionnalité au motif de la mise en cause de la libre administration des collectivités (cette nouvelle disposition inscrite dans notre droit par la dernière réforme constitutionnelle permet à toute personne physique ou morale de saisir le juge constitutionnel pour censurer une loi qui ne respecte pas un principe constitutionnel. En l’occurrence il s’agit du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales qui prévoit une juste compensation financière pour les transferts de compétence, ou l’attribution de nouvelle compétence).
D’autant, mes chers collègues, que cette libre administration a été largement malmenée par la remise en cause de notre autonomie fiscale et une réforme de la taxe professionnelle bâclée dont vous percevez les effets préjudiciables pour les ménages à travers le rapport 504 relatif aux abattements et exonérations de taxes.
Après la suppression de la taxe professionnelle dès 2010, le gouvernement bouleverse les 3 impôts ménage : à partir de 2011, le département percevra uniquement la taxe sur le foncier bâti, mais ne disposera plus ni de la taxe sur le foncier non bâti, ni de la taxe d’habitation. En effet, la part départementale de TH sera affectée aux communes et EPCI. Ainsi, les 2 abattements décidés par le département (pour résidences principales et pour charges de familles) deviendront caduques. Il appartiendra donc, en pleine responsabilité, à chaque commune et EPCI d’adopter ou non ces abattements, sans avoir pour autant la possibilité – il faut le regretter – de neutraliser l’impact de ce transfert. En cas de non adoption des abattements jusqu’alors pratiqués, et sans variation des taux communaux, le contribuable subira une augmentation mécanique de sa taxe d’habitation ; une augmentation qui risque d’être douloureuse. Certains ici poussaient des cris d’orfraie lorsque nous soutenions que la suppression de la TP entrainerait un transfert de fiscalité sur les ménages. La réalité est aujourd’hui avérée. Et ce sont les maires qui devront, bien malgré eux, assumer les conséquences d’une réforme mal préparée, inaboutie et à bien des égards paradoxale.
Ainsi, alors même que la TP est supprimée et qu’elle est remplacée par la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), l’Etat a laissé la responsabilité aux départements de décider des exonérations. Vous admettrez avec moi que la situation est pour le moins surprenante. Aussi, je vous propose d’être cohérent : puisque le gouvernement a décidé de supprimer la TP et donc de priver les collectivités d’une ressource dynamique, qu’il assume jusqu’au bout ses responsabilités concernant la CVAE pour laquelle nous proposons de supprimer toutes les exonérations facultatives. A l’Etat d’en faire son affaire s’il le souhaite. S’agissant en revanche de la TFB, seul impôt direct qui reste aux départements, je vous propose
au contraire de maintenir les exonérations appliquées jusqu’alors.
Je suis persuadé que vous partagerez cette proposition, d’autant qu’elle répond à ce que demande l’Etat lorsqu’il veut mettre un terme aux financements croisés.
Je veux parler bien évidemment de la réforme des collectivités locales qui prévoit qu’à compter du 1er janvier 2012, aucun projet ne puisse bénéficier d’un cumul de subventions d’un département et d’une région. En outre, toute collectivité porteuse d’un projet d’investissement devra assurer une participation minimale de 20% pour les communes de moins de 3 500 habitants, 30% pour les autres communes. Petit détail : ces dispositions ne s’appliqueront pas à l’Etat, qui pourra toujours faire financer ses projets par les autres ! Le rapport 206 relatif au déclassement de la RN 57 est en un bel exemple : avant même la mise en service de la voie des Mercureaux, route nationale financée à 75% par les collectivités locales, l’Etat nous demande de récupérer immédiatement la côte de Morre. Vous comprendrez que notre accord soit néanmoins assorti de 3 exigences :
– la prise en charge par l’Etat des travaux de remise en état de l’infrastructure préalablement à son déclassement ;
– l’apport par l’Etat de solutions transitoires sur le secteur de Planoise-Micropolis, concomitamment à l’ouverture des Mercureaux en 2011 et sans retard par rapport à cette échéance :
– un engagement de l’Etat à réaliser les tranches complémentaires du contournement de Besançon dans les meilleurs délais, dans le cadre du prochain programme d’investissement national (au terme du PDMI 2009-2014).
Abrogation du cumul des subventions départementales et régionales, quasi suppression des financements croisés, une 3ème disposition du projet de loi risque de porter un coup fatal au développement territorial : la disparition de la clause générale de compétences. On comprend que l’Association des maires ruraux de France ait adressé une lettre ouverte contre la réforme territoriale au Premier ministre et aux parlementaires, car les maires mesurent parfaitement les conséquences néfastes de ce texte.
Même si la suppression de cette clause générale de compétences est aménagée, tous les ingrédients seraient alors réunis pour tuer l’initiative locale qui a pourtant été à l’origine de tant de réalisations concrètes au service de nos populations et de nos territoires, en particulier ruraux.
Permettez-moi de citer quelques exemples révélateurs :
o En un temps où, à part quelques cours complémentaires annexés à des écoles primaires, il n’y avait d’enseignement secondaire public que dans les villes de Besançon, Pontarlier, Montbéliard (le collège de Baume les Dames fermera en1932), les écoles primaires supérieures (EPS) étaient un ascenseur social très efficace pour les bons élèves issus des milieux modestes dont les familles ne pouvaient envisager, pour des raisons financières, des études longues en lycée. Oui, mais pour les jeunes ruraux, une scolarité n’était envisageable que s’il y avait un internat ; à Besançon, la ville avait créé un internat municipal pour les élèves du Lycée Pasteur. Le Conseil général décida en 1928 d’accorder des subventions pour que cette
structure s’ouvre aux élèves EPS… malgré les réserves expresses du Préfet : « Le département est appelé à participer à une dépense dont le caractère départemental n’apparaît pas d’une manière certaine. Il serait sage et prudent de réserver l’effort financier aux œuvres essentiellement départementales. ». Les élus passèrent outre. L’intérêt des populations l’emporta sur la mise en garde de l’Etat. Des centaines de jeunes ruraux n’auraient pas pu faire d’études si nos anciens, malgré l’avis défavorable de l’Etat, n’avaient pas pris une initiative qui a rendu d’immenses services.
Nous venons de vivre la 9ème édition des Mots du Doubs, une des manifestations culturelles les plus appréciées de nos concitoyens, suggestion de notre collègue Daniel Leroux.
Avec la suppression de la clause de compétences générales, pourrons-nous poursuivre un tel salon.
De même, nous ne pourrions signer tout à l’heure la convention avec la Chambre des Métiers et de l’Artisanat qui formalise nos actions communes au service de notre territoire.
La même question se pose pour les prêts d’honneur économiques, excellent dispositif mis en place par mon prédécesseur Georges Gruillot. Sur ce dossier, vous le savez, depuis les remarques formulées par la Chambre Régionale des Comptes en 2004, j’ai multiplié les initiatives auprès de l’Etat, avec l’appui de la préfecture et des parlementaires du Doubs, pour régulariser le dispositif. Face au silence persistant de l’Administration, et avec le souci de conduire jusqu’au bout cette démarche, j’ai décidé en mars 2010 de porter ce débat devant le Sénat au travers d’une question écrite : le texte de cette question avait été rédigé en concertation avec le Ministère de l’espace rural dont le contact nous indiquait qu’il avait tout raison de penser qu’une adaptation législative était possible dans le contexte de mise en place des Etats généraux de l’industrie à l’initiative du Président de la République. Hélas, c’est une réponse négative qui m’a été faite tardivement le 19 août. J’avoue ne pas comprendre : il suffisait de modifier le code général des collectivités territoriales pour que les prêts d’honneur soient expressément reconnus comme des aides aux entreprises. Aujourd’hui, mes chers collègues, et je souhaite connaître votre avis, la question se pose de savoir si nous devons à nouveau intervenir ou renoncer à cette action. Son abandon faute d’autorisation de poursuite de la part de l’Etat, aurait des répercussions négatives sur un tissu économique fragile. Je rappelle que chaque année, nous octroyons plus de 100 prêts par an. Depuis 1999, ce dispositif a permis de sauvegarder plus de 5 000 emplois et d’en créer 2 000 environ au travers de l’accompagnement de plus de 1 500 projets de création, reprise ou développement d’entreprises dans le Doubs.
Tous ces exemples renvoient à ce que les sénateurs appellent « l’intelligence territoriale », malgré les critiques de plus en plus vives y compris au sein de la majorité présidentielle, à l’instar de Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale pour qui « ce texte est devenu n’importe quoi. Quand Larcher (le président du Sénat) dit que la loi sera inapplicable, il a raison : elle est inapplicable ».
C’est mon devoir, vous comprendrez la nécessité qui est la mienne de vous faire part de ces préoccupations dont les conséquences risquent d’être d’une extrême gravité pour les maires, les habitants et les territoires de notre département. Car cette réforme n’est pas une affaire d’élus. Elle aura des conséquences importantes dans la vie quotidienne de tous les citoyens. Ne pas le dire serait coupable.



