14h00, le 5 février 2011.
La foule nombreuse se presse dans la salle cossue, vaste et confortable du 1er étage de l’Espace Pasteur aménagé dans l’ancienne église d’Arbois, sise à proximité de la place Pasteur où siège magistralement et dignement sur son fauteuil, l’illustre Louis PASTEUR.
Informés par l’animateur de Radio Vin Jaune, sur le site de la Percée, par des messages insistants et de plus en plus rapprochés, les curieux, les badauds se précipitent dans les escaliers qui montent à l’étage, ne voulant pas manquer un seul instant de la vente aux enchères. Les acheteurs, eux, sont déjà installés avec leurs catalogues annotés, près à réagir, mais inquiets de connaître les intentions de leurs concurrents, des autres enchérisseurs.

14h15.
J’annonce au micro les différentes modifications apportées au catalogue et je déclare au public que je vais leur parler de la bouteille d’Arbois Jaune d’Anatoile VERCEL, clou de la vente 2011, dont le précieux nectar a été élaboré à la fin de l’année 1774, millésime correspondant à l’avènement de Louis XVI au trône de France.
Pour la circonstance, j’ai demandé à 8 soldats de la compagnie « La Courbière », costumés en habits d’époque Louis XVI, de bien vouloir assurer la garde symbolique de cette bouteille Mythique.
Après un résumé historique de la descendance des VERCEL, vignerons arboisiens renommés, une description précise du verre de la bouteille (Type bourgogne 87cl), soufflé par les verriers jurassiens de la Vieille Loye (Forêt de Chaux) et une analyse technique du vin de 1774 issu d’une bouteille faisant partie du même lot, analyse réalisée en 1994 par un groupe de 24 dégustateurs chevronnés, je précise que la vente 2011, constituée de 314 lots de bouteilles de vins et alcools du Jura, va commencer incessamment. Je précise enfin au public nombreux rassemblé dans la salle des ventes, que, pour répondre à la sollicitation de France3 et, après accord du commissaire-priseur, je confirme que la vente de la bouteille d’Arbois jaune 1774 (lot n°314) aura lieu précisément à 16h30.

14h30.
La vente démarre à un rythme très soutenu pour respecter l’horaire de mise aux enchères publiques du lot n°314. Il faut en conséquence passer 313 lots en 2h, soit une moyenne de 156 lots à l’heure, ce qui constitue une solide performance !!!
Dans la dernière ligne droite, les bouteilles de la première moitié du XX° siècle trouvent facilement preneurs, leurs acquéreurs étant des professionnels ou des collectionneurs. On sent déjà monter la fièvre qui précède la vente des millésimes d’anthologie des XVIII° et XIX° siècles.
Entre 16h20 et 16h30. C’est le tremplin pour la vente du 1774… Il y a de l’émoi dans l’air, la salle bourdonne et bientôt, vibre comme un m o t e u r d’avion prêt à décoller !
Un acheteur j a p o n a i s enlève le vin de paille 1893 du domaine Bourdy d’Arlay à 3.200€…
Un importateur anglais obtient la bouteille de marc du Jura 1868 du domaine Bourdy à 2.400€… Le mandataire d’un milliardaire singapourien rafle la bouteille d’Arbois Jaune 1821 de Jules VERCEL à 7.000€…

16h31.
D’une voix chargée d’émotion, j’annonce la vente de la bouteille mythique de 1774 dont une de ses sœurs jumelles a obtenu la médaille d’argent à l’exposition universelle de 1867 et une autre a été dégustée par Louis PASTEUR lors de son accession à l’Académie Française en 1881. Je cède à nouveau la parole au commissaire-priseur qui se livre alors à un véritable arbitrage de match entre les 6 acquéreurs potentiels du 1774.
A 10.000€, je me sens plus rassuré et à 15.000€, je suis soulagé de constater que le prix de ce flacon atteint une cote digne de sa rareté et de sa traçabilité. Puis c’est l’envolée étourdissante 16.000, 17.000, 18.000… 20.000, 21,000, 22,000…25,000…€ (l’importateur anglais abandonne), 30.000, 35.000, 40.000… incroyable !!!… 42.000€ (le mandataire d’un ambassadeur d’un pays étranger abandonne), 45.000, 50.000€… Je crois rêver, il reste 4 acquéreurs au-delà de 50.000€ ! L’américain abandonne après 50.000€ et le mandataire de l’homme d’affaires singapourien à 52.000€. Il reste en lice deux passionnés et déterminés : un Français/Parisien et un Genevois qui représente plusieurs acheteurs… Un grand collectionneur de vins et organisateur des « Wine Diners » est déterminé à posséder cette bouteille et pousse jusqu’à 55.500€, mais l’adrénaline monte rapidement et le Genevois contre-attaque. La messe est dite. Le marteau du commissaire-priseur s’abat énergiquement sur la table «Adjugé à 57.000€ !»

La journée a été rude, stressante, mais tellement passionnante.
Rendez-vous à Ruffey-sur-Seille , à 4 km d’Arlay, en 2012.