Bernard Bloch, réalisateur sera présent lors d’une projection exceptionnelle  au cinéma de Charmoille (entre Pierrefontaine-les-Varans et Maîche) le 21 janvier à 20H30.

Depuis des millénaires, nous vivons avec les vaches d’innombrables récits symboliques et sacrés, elles nous ont fait progresser dans nos conduites humaines. Mais aujourd’hui les éleveurs sont devenus des producteurs. Cependant élever et produire, ce n’est pas nécessairement la même chose. Quand la production devient industrielle, l’animal est distancé. La vache change de statut pour devenir un “minerai” et la logique ultra productiviste de l’industrie agroalimentaire tend à devenir la norme dans certains endroits du monde. N’est-il pas urgent de réinventer notre rapport à la communauté des animaux ? De s’interroger sur ce que produire veut dire ?

Loin des films alarmistes qui nous assènent régulièrement que le monde va mal en versant dans la caricature, De chair et de lait nous invite, sans commentaire, sans jugement, à passer du temps avec les hommes dans leur relations avec leurs bovins. Une immersion sensible parmi ceux qui vivent au quotidien avec les bêtes.

Dans le Tassili, les gravures rupestres nous rappellent l’origine de la domestication et du lien archaïque tissé avec les animaux. Au Mali, la fin de la transhumance lors de la traversée du fleuve Niger est une épreuve partagée entre les éleveurs peuls et leurs troupeaux. En France, dans la brume des monts de l’Aubrac, les vaches portent encore un nom et, dans les hauteurs des Alpes, il y en a aussi qui redeviennent sauvages. Avec des spécialistes de la génétique qui améliorent la race bovine, nous sommes saisis par des reproducteurs frôlant la paire de tonne. En Inde, l’attachement sacré aux vaches les préserve jusqu’à la fin de leurs vies dans des lieux appelés Gaushala.

 

Aux Etats-Unis, la célèbre autiste Temple Grandin nous fait partager la subjectivité de l’animal. En Suisse dans les alpages, le robot de traite intégral nous fait entrevoir une nouvelle possibilité de collaboration avec l’animal tandis que les pâturages gigantesques d’Amazonie et les cadences productivistes du Colorado conduisent à la déforestation et à la mort industrielle. La question sur le sens de l’élevage est cruciale. Elle trouve sa place dans cette crise existentielle et économique qui résulte du bouleversement mondial que l’on appelle, d’un mot plein de mystères, globalisation.

Entretien avec le réalisateur :

Pourquoi un film sur les vaches ?

Bernard Bloch : « Je n’avais jamais imaginé qu’un jour je m’intéresserais aux vaches, moi, homme de la ville, loin de la terre et des animaux de la ferme. Et pourtant cet animal est porteur d’interrogations qui concernent tous les hommes, au-delà des questions propres à l’élevage. Les liens avec les vaches, qu’ils soient imaginaires ou concrets, ouvrent à mes yeux un dialogue urgent entre un monde paysan et le reste de la société. A l’origine de ce film, il y a un souvenir d’enfance. C’était au Béarn dans une petite ferme familiale. Dans l’étable, l’odeur du fumier se mêlait à celle du foin. Dans une demi-obscurité, Mme Cortès, la fermière, était assise sur un tabouret attaché à ses fesses par un large ceinturon de cuir fatigué. Sa tête brune s’appuyait délicatement sur le flanc d’une vache blonde. Elle lui parlait avec douceur. La vache s’appelait Samba et répondait à son nom. Je me souviens. Elle attrapait les pis un par un pour les essuyer avec un chiffon humide, puis à pleine main les serrait entre le pouce et l’index. Le jet puissant du lait résonnait sur les parois du seau en métal.

Le liquide blanc et moussu montait dans N’est-ce pas là la nostalgie d’un temps révolu ?

Bernard Bloch : « Je sais évidemment qu’élever des bêtes dans la mondialisation d’aujourd’hui est bien plus complexe qu’il n’y parait dans cette image de mon enfance. La concurrence économique, les innovations
technologiques, l’accroissement de la demande en produits carnés et laitiers influent en profondeur sur les structures de la production animale.

L’éleveur serait-il coupé de sa propre culture ? Comment, alors, se vit encore la relation à l’animal ? Comment en différents points du globe, dans différents contextes sociaux, politiques, culturels, s’inscrivent des choix de vie ?

Les échanges et l’interrogation des pratiques sont indispensables pour réfléchir, progresser, trouver des solutions. Voici les questions documentaires qui m’ont mené à parcourir les sociétés rurales sur cinq continents.

Je ne l’apprendrai certainement pas à un éleveur mais l’expression de ces bêtes à cornes – quand il leur en reste ! – est toute sauf indifférente. Au détour d’un champ, on découvre leurs regards interrogateurs de curieuses, porteur d’une innocence domestiquée. Et n’allez surtout pas me faire un mauvais procès en m’accusant d’anthropomorphisme, car tout bon éleveur sait reconnaître chacune de ses vaches, même de loin, les appeler par leur nom, s’adresser à elle avec considération et affection. Un peul a la mémoire et les noms de cinq générations de ses vaches. Ils n’ont pas besoin de Herd Book pour s’en souvenir, cela se transmet oralement.

L’intelligence de la vache n’est plus à démontrer. C’est un animal sociable, aimant vivre en compagnie, doué aussi d’une indépendance de caractère. C’est un animal sensible, capable de discerner les couleurs, de reconnaître les odeurs et les sons et qui se souvient des bons et des mauvais traitements. Un animal capable de souffrir, mais aussi de collaborer, à la traite comme à la charrue. »

Et pourtant il faut bien nourrir le monde !

Bernard Bloch : « Bien sûr ! Et je ne suis pas végétarien ! Mais comment coopérer avec l’animal en bonne intelligence ? Comment concilier rentabilité économique et respect de l’animal ? Quelle est la mesure, quel est l’équilibre ? Et pourtant, il faut bien nourrir le monde ! En me faisant le narrateur du monde des vaches, j’ai le sentiment d’être rentré en politique autrement, la vache est une belle métaphore de la marche du monde. Et grâce à cet animal, j’ai pu inverser cette fâcheuse tendance qu’on les hommes de toujours vouloir parler d’eux-mêmes ! »

Fiche technique :

Durée : 104 mn
Format de projection : DCP – Bluray – Fichier Quicktime
Versions : Française & Anglaise
Auteur – réalisateur : Bernard Bloch
Montage : Christian Girier
Image : Jacques Mora, Jérôme Colin, David Helft
Son : Gaël Trevinec
Musique originale : Hervé Birolini
Producteurs délégués : les productions de l’oeil sauvage – Bernard Bloch et Frédéric Féraud

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