L’idée est simple, sympathique : réaliser une performance de groupe, sans compétition, se frotter à ses propres limites, tout en découvrant nos jolis paysages, le tout devant se faire si possible sur un jour et une nuit. Pas question de se planter sur l’itinéraire, pas de balisage à mettre en place, le mieux était de se préparer durant tout l’hiver et le printemps en effectuant des sorties partielles sur le parcours, histoire de se faire les jambes et de bien repérer les sentiers, les routes à emprunter. Au programme il y aura pas moins de cinq rivières à longer, Cornebouche en contrebas de Durnes, la Loue, le Lison, la Brème, le Defois. Et ainsi la boucle sera bouclée, départ et retour depuis la fontaine de Saules, avec tout de même un dénivelé de 2300 mètres !
Nous y sommes, la date retenue est fixée au samedi 24 juin à midi, au solstice d’été, comme en contrepoint à la même sortie réalisée sur 2 jours dans le froid des 29 et 30 décembre 2016. Mais là il s’agit d’avaler le parcours d’un trait… A onze heures les familles, les amis sont là, pour partager le repas de sucres lents et se répartir la logistique des approvisionnements qui sillonneront l’effort. Deux maîtres-mots pour cette expérience, la convivialité et la solidarité. A midi sonnant seize marcheurs femmes et hommes de tous âges, avec ou sans bâtons mais bien équipés en boissons -c’est qu’il fait chaud, près de trente degrés- se mettent en marche (élections obligent!) direction les anciennes vignes de Saules, le ravin de Cornebouche, Montgesoye. Et hop, à nous la Loue, à remonter jusqu’à sa source : nous empruntons la rive gauche, voie de l’ancien tacot, et sommes accueillis à Tivoli (Mouthier) un peu avant quinze heures par tout un groupe de ravitailleurs en fruits et boissons, dans la bonne humeur générale. Et puis voici les gorges de Nouailles, de nouveaux amis se sont joints pour cette rando-party où la fraîcheur de la forêt est appréciée. On boit un coup, on pose pour la photo-souvenir aux sources de la Loue, on aborde la grimpette qui nous amènera au-dessus de Longeville en passant par les points de vue de Renédale et du Moine…Quels panoramas ! La pause de 17 heures 30 dure un peu, peut-être la faute aux excellents jambons et comté, ou à cause de certaines jambes un peu lourdes. Il faut repartir, sur une large voie caillouteuse, au-dessus d’Amathay puis en dessous de Maillot, passer sous l’ancien pont de chemin de fer, traverser des pâtures, reprendre la forêt pour saluer le sapin président de Bolandoz et ses 18 mètres cubes, faire la halte du soir près de Labergement du Navois. La fraîcheur arrive, aux confins de Gevresin nous plongeons sur Nans sous sainte Anne alors que le jour décline : il fera nuit en arrivant au chêne tricentenaire puis à la source argentée du Lison, vidée de ses touristes. Cela fait onze heures que nous marchons lorsque nous quittons le village bien animé en cette fête de l’été, heureux d’avoir dépassé les cinquante kilomètres. Des amis nous quittent, d’autres nous rejoignent.
Et voilà que la troupe inconsciemment a ralenti son allure, la file indienne s’effiloche. Qu’il est long ce sentier du Lison à peine éclairé d’une lueur de lampe frontale ! Pas un bruit, chacun est dans son monde intérieur, la nature reste sèche et comme inhabitée, on perçoit à peine la présence du Lison à notre gauche en contrebas. Pas beaucoup plus de vie quand on arrive à Chiprey. Désormais « il faut gérer », au courage ou à la routine. A travers bois nous gagnons enfin le village de Lizine, le château de Chatillon au loin est encore éclairé. Cette partie depuis Nans a paru longue et cinq personnes vont quitter le groupe, ne se sentant pas assurées de terminer. Tiens, ici les cloches sonnent la nuit : il est trois heures du matin. Désormais nous avons de quoi boire et manger jusqu’au bout, c’est encore loin la plage ? Tais-toi et nage ! Au revoir le Lison, nous sommes à la confluence avec la Loue, que nous suivons pendant une heure avant de remonter vers Amondans. Et là, une descente en trottinant direction Cléron, histoire de se dégourdir les jambes. Il est cinq heures, Cléron s’éveille et comme par magie nous n’avons plus sommeil. Ce beau village est parcouru par sa partie haute, nous passons à la ferme du Pater et devons bien avouer que nous n’irons pas en haut du Castel saint Denis… Le pont de Maisières, l’oratoire notre dame du Chêne pour une petite pause sur des bancs qui nous attendaient, puis direction l’ancienne voie Ornans-l’Hopital, le puits noir (sur la Brème, notre rivière tant espérée), la traversée de la route nationale et un parcours sportif le long du coteau escarpé de la Brème, jusqu’à la gouille à la chèvre qui nous permettra d’atteindre la bonne vallée (Bonnevaux), dominée par le plateau de Saules et le Saut Chevalier, qui nous narguent mais qui ne pourront plus nous échapper maintenant, ce serait trop bête ! Un dernier effort pour remonter à 600 mètres d’altitude, un petit luxe sadique pour approcher la cascade du Defois et suivre ce ruisseau : à neuf heures du matin nous sommes sur la place du village de Saules. La boucle a été bouclée par cinq marcheurs, mais beaucoup d’autres en ont fait plus des trois quarts. Pour ce dimanche 25 juin, exceptionnellement la sieste aura lieu avant et non après le repas de midi. Ce n’est pas un exploit qui a été accompli, c’est un petit défi de camaraderie et un hommage rendu à des paysages dont nous ne sommes pas peu fiers.
Michel Roussel