Dès lors qu’une région est en paix, qu’elle permet de vivre à l’abri de la misère et qu’elle recherche la prospérité, on voit apparaître de nouvelles populations. Outre les tribus barbares (c’est-à-dire « étrangères ») de l’Antiquité et du Moyen Âge qui s’implantent de gré (ou de force) avec d’autres clans déjà en place, des vagues d’immigrés « économiques » s’installent plus tardivement.
Les lendemains de conflits endeuillés, comme ce fut le cas après la guerre de Dix ans, acceptent plus facilement ces pièces rapportées. Les étrangers représentent une partie marginale mais essentielle à la population du plateau. Le recensement de 1657 met en lumière l’existence de Savoyards, essentiellement gardiens de troupeaux (Amancey, Chantrans, Coulans, Flagey, Reugney,…), de Suisses (Fertans, Bolandoz,…) et même d’un tisserand Liègeois (Chantrans).
Parfois, c’est l’inverse qui se produit. Même si les gens du plateau sont attachés à leur territoire, il arrive qu’ils soient obligés de partir. Ce fut le cas en 1770. À cette époque, les récoltes sont si mauvaises que la famine guette. Répondant à l’appel de l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, une cinquantaine de familles de Déservillers quitte le village pour d’autres cieux. La destination de leur expatriation se trouve à Cejc, une ville ruinée de Moravie (Sud-Est de l’actuelle République Tchèque, 1.250 habitants). Là-bas, on a besoin de gens sachant travailler la terre. Une petite communauté de Déservillers, accompagnée d’autres villageois du baillage d’Ornans s’installent en Moravie. En moins de deux ans, les exilés bâtissent 28 fermes et exploitent des terres dès 1773. Mais ils vivent misérablement parmi une population plutôt hostile.
De nos jours, une rue francouzska existe à Cejc. Cet indice atteste que des Français ont bien laissé des traces à cet endroit… Aux siècles derniers, on remarque également l’arrivée de fromagers suisses qui concurrencent sévèrement (par leurs techniques d’affinage plus élaborées) les activités laitières du pays mais apportent aussi un nouveau savoir-faire dont on tire rapidement profit pour la fabrication locale.
L’arrivée de « migrants » venus sur notre territoire pour mieux vivre ne date donc pas d’hier… mais d’avant-avant-hier !
Hervé PERTON