La tradition des conscrits

Depuis des décennies, chaque début d’année voit les jeunes de vingt ans revêtir leur plus beau sourire et partir souhaiter la bonne année aux habitants.

Ce rituel du Haut-Doubs, à la fois solennel et joyeux, nous replonge dans un passé où le service militaire marquait un tournant majeur dans la vie des jeunes hommes.
Autrefois, les conscrits, ces jeunes appelés à rejoindre l’armée, parcouraient les villages pour dire au revoir à leurs proches et amis avant leur départ. Au fil des années, cette tradition s’est adaptée, mais l’essence demeure : créer du lien, célébrer la jeunesse et rassembler les générations.

Aujourd’hui, le premier janvier, lorsque le jour pointe timidement son nez, les conscrits se regroupent. Filles et garçons de dix huit à vingt ans, coiffés de chapeaux ornés de rubans ou de cocardes brandissent fièrement le drapeau tricolore.
Les tambours et les trompettes résonnent, appelant les habitants à la bonne humeur. Au bout des rues, les portes s’ouvrent et les visages s’illuminent. On les accueille avec le sourire, ces jeunes au seuil de leur vie d’adulte.

Chaque maison visitée devient le théâtre d’une scène unique. On trinque avec un verre de vin, on s’installe à la salle à manger, on raconte un peu sa vie… « T’es un p’tit d’chez qui, toi ? Ah, c’est le p’tit-fils à Denise, le fils à François ? Oh, j’ai bien connu ta tante… ».
Selon l’heure, on mange une boîte de beignets en buvant un café ou on reste souper, ça dépend de chez qui on est.
Leur départ laisse derrière eux une bouteille de Pontarlier vide, mais une chaleur qui réchauffe l’hiver.
La procession avance, jusqu’à la maison d’à côté, créant une atmosphère festive dans les rues.

Cette tradition du Haut-Doubs pourrait sembler d’un autre temps, mais elle est pourtant d’une modernité étonnante.
Dans un monde où les relations humaines semblent parfois se dématérialiser, les conscrits redonnent du sens à la proximité, au partage.
C’est un moment où l’on se souvient que les fêtes ne se résument pas à des messages numériques ou des clics sur un écran, mais à des poignées de main fermes, des accolades chaleureuses et des salutations sincères.

Quand les tambours des conscrits résonnent dans les rues, c’est tout un terroir qui se réveille, fier de transmettre ses valeurs d’une génération à l’autre.

Sophie GARNIER