Cet animal sauvage est un super-prédateur, c’est-à-dire un consommateur placé en fin de chaine alimentaire, qui régule la présence de populations d’herbivores et carnivores de forces inférieures, jeunes ou souvent atteints de maladies, de parasites… Ce super prédateur tue ses proies pour s’en nourrir et obtenir des quantités d’énergie nécessaires à ces besoins vitaux. C’est ainsi qu’il parcourt des espaces de plusieurs dizaines de kilomètres par jour. Son habitat ou niche écologique s’étend sur des vastes écosystèmes tantôt forestier, tantôt agropastoral où l’homme, agriculteur a ses activités.

Mais sur les plateaux et montagnes du Haut-Jura et Haut-Doubs, un autre super prédateur est déjà présent : Le lynx. Aussi on peut s’interroger à l’avenir sur une coexistence dans une niche identique de deux grands prédateurs aux mêmes types de proies tels que le lynx déjà abondant et le loup en cours d’installation. L’histoire ne nous livre pas beaucoup d’exemples ou d’études à ce sujet.

Au XIXe siècle, les témoignages et archives nous révèlent l’organisation de battues seulement contre les loups. Le lynx était certainement absent. Le dernier récit sur le plateau de Levier est relaté en novembre 1912 où deux soeurs couturières s’en retournant chez elles au hameau de la Chaux se font suivre par deux loups. L’alerte donnée, la chasse s’engage à skis constitués alors de simples douves de tonneaux. L’un des loups est tiré du coté de Boujailles et l’autre retrouvé mort-gelé finit chez l’empailleur. Il faudra attendre les années 1984 pour entendre parler d’attaques de lynx, et 2011 pour des attaques de loup précisément à Chapelle d’Huin.

Cependant, à partir de la fin des années 1970, la déprise agricole laisse à l’abandon des terrains peu rentables au niveau fourrager mais riches en biodiversité floristique dans un premier temps car celle-ci disparait sous la profusion de ligneux à épines et d’arbres plus conséquents. Il faut lutter contre la fermeture des paysages. En effet certains villages du plateau d’Amancey versant Lison et ceux de la vallée de la Loue connaissent de la friche forestière à proximité immédiate des maisons. La peur d’un feu de broussaille, les visites en journée d’animaux sauvages comme les sangliers… menacent la tranquillité villageoise. Autre que le défrichement manuel par entreprises, on fait appel à des mises  en pension de jeunes bêtes, de chevaux et au développement de l’élevage ovin. Hélas ce sont ces derniers qui vont faire l’actualité en attestant de la présence de ces deux super-prédateurs !

En même temps, l’histoire nous a fait évoluer vers de nouvelles mentalités : Dans le consumérisme de la « pensée unique » nous avons tous des standards et des désirs d’être « écolo », de manger sain avec des circuits courts d’approvisionnement sécurisé et bien identifié. Les pertes d’animaux et souffrances d’agriculteurs par les attaques de prédateurs s’inscrivent-elles en empathie avec le consommateur ? Le concept d’ouverture de paysage a laissé la place à celui de biodiversité mais un espace sans action de l’homme, se referme et perd les espèces flore et faune qui avaient trouvé leurs places grâce à la lumière. Un nouveau concept émerge actuellement, c’est celui d’état sauvage au sens primitif surtout pour certaines forêts et lieux humides. La présence du loup en renforce ainsi la cohérence.

Enfin notre génération a été « Walt-Disneyalisée ». On fait parler les animaux en projetant nos propres sentiments et nos propres émotions. Le loup s’inscrit tout à fait dans cette « anthropomorphisation » de générations gagnées par un émotionnel temporel !
D’ailleurs aujourd’hui en 2018, les documentaires animaliers nous montrent rarement la mise à mort d’une proie par un grand prédateur. Les images sont coupées, la vue du sang n’est plus supportable ! Alors quelles réponses données aux éleveurs qui subissent les préjudices du loup et du lynx ? Jusqu’à quel niveau peut-on admettre les sacrifices d’animaux, de moutons tués, écorchés, stressés par un prédateur sanctuarisé par la convention de Berne ?

Le chien Patou, les doubles barrières électrifiées sont des réponses ponctuelles face à un seul loup et lors d’un pâturage plutôt sédentaire… mais pour le besoin d’espaces ouverts sur des prairies sèches ou des versants de reculées et face à une meute intelligente qui connait un garde mangé « vulnérable » avec absence de contraintes et d’inefficacité du maitre des lieux… je laisse à chaque lecteur sa réponse.

Jean-Pierre GURTNER