L’histoire de l’entreprise Garnier, installée aujourd’hui à Levier, est enracinée à Eternoz. Tout commence en 1913, lorsque Jean Garnier père, compagnon forgeron dans l’entreprise de fabrication de charrues Nicod, rachète l’entreprise. Mobilisé pendant la Première Guerre Mondiale, il se fait remarquer pour l’invention d’un système permettant de neutraliser les avions ennemis. Dès lors, l’armée française s’intéresse à ce brillant comtois en lui proposant un travail. Mais l’homme décline l’offre, préférant « être au service de l’agriculture ».

Des précurseurs
En rentrant de la guerre, l’inventeur regagne Eternoz et poursuit son activité de ferronnier. C’est la période de l’entre-deux-guerres, qui marquera l’hégémonie des charrues. L’entreprise présente son plus grand succès : « la charrue Brabant Garnier ». Reconnue par le monde agricole, la machine dispose de la dernière avancée technologique, à savoir l’autorégulateur ! « C’était un système qui permettait de corriger la direction de la charrue », explique Jean Garnier, le fils. Mais contrairement à ce que la légende raconte, « nous n’avons pas inventé la charrue », lâche-t-il en rigolant, « nous l’avons modernisé après la guerre, ce qui était déjà pas mal pour l’époque ».
En effet, lors des années fastes de l’agriculture « il y avait de nombreux petits constructeurs de charrues », chacun créait sa machine, mais à partir d’une même copie. La charrue Garnier a modifié les versoirs pour l’adapter au relief comtois. Mais tout de même « rendons à César ce qui est à César », la famille Garnier d’Eternoz peut s’attribuer l’invention des fourches à dents flexibles installées sur les méthodes de fanage. Brevet déposé par la famille il y a de nombreuses années en arrière. Aujourd’hui, ce système, conçut à partir d’un simple ressort, est présent sur toutes les faneuses et andaineurs. Une très belle réussite pour l’entreprise.
Plus tard, au fil des années qui défi lent, l’entreprise a dû s’adapter, tourner la page des charrues au profit des tracteurs. Toutefois, la contribution de la famille Garnier pour l’agriculture reste gravée à jamais dans l’Histoire locale.

La maison mère où tout a commencé
Jean Garnier nous fait visiter l’atelier familial, lieu emblématique qui a vu naître plus de six mille machines ! L’endroit est sombre, mais les rayons de soleil, s’infiltrant avec malice à travers les carreaux poussiéreux, laissent entrevoir un trésor d’un ancien temps. Un trésor digne d’un musée. Au sol, les dalles sont noires, colorées par le feu de la forge. De la sciure de bois est également présente et rappelle l’âge de la bâtisse. Une odeur s’en dégage tout de même. Pas désagréable, elle flotte dans les airs et remplit les narines d’un parfum doux d’huile, de forge, de vieille mécanique.
Mais qu’importe ! Jean explique le fonctionnement d’une perceuse et d’une presse à volant. Ses yeux pétillent, les souvenirs s’accumulent, la nostalgie s’invite. Devant l’objectif de l’appareil photo, ce n’est pas Jean Garnier et une charrue, mais plutôt un homme aux côtés du travail de sa vie.

Maxence CUENOT