
COMMUNIQUÉ DE LA MAIRE SUITE A LA DECISION DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF :
Nous avons hissé ce drapeau palestinien parce qu’à Gaza et en Cisjordanie, un peuple est massacré.
Plus d’1 million de personnes, dont des femmes et des enfants, sont assiégées, déplacées, piégées dans des zones où l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins, est insuffisant et insécurisé et même parfois inexistant.
C’est au nom de l’humanisme et de la dignité humaine que nous avons hissé ce drapeau.
Aujourd’hui (jeudi 26 juin), le tribunal administratif a rendu sa décision et nous demande de l’enlever. Nous allons le faire. Nous respectons la loi. Nous enlèverons le drapeau samedi 28 juin 2025 à 14 h 30.
Je reste choquée quant à cette décision.
Et inquiète de sur ce qu’elle révèle : la dénonciation d’un massacre, le soutien à un peuple affamé et sous les bombes n’est donc plus une cause qui nous rassemble sous la bannière de la République ?
Alors même que le président de la république s’apprête à reconnaitre l’Etat de Palestine, en déclarant que ce n’est « pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique ».
Alors qu’il affirme, concernant le blocus humanitaire à Gaza que c’était, je cite, « un scandale » et une « honte ». Alors qu’il a appelé à un cessez-le-feu et à la libération des otages israéliens.
Alors que la France a ratifié le droit international humanitaire, qui est totalement bafoué à Gaza.
Malgré tout cela, la décision du tribunal nous dit que nous rompons le principe de neutralité.
Ce qui veut dire que nous ne nous reconnaissons pas tous derrière la dénonciation de cette horreur.
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LES PROPOS EN DEFENSE LUS PAR MME LA MAIRE
« Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de prendre la parole pour la Ville de Besançon, mise en cause dans le cadre du déféré préfectoral introduit le 25 juin 2025.
1- Les faits
Tout d’abord, voici les faits qui vous sont soumis aujourd’hui. Nous avons pris la décision de pavoiser l’Esplanade des Droits de l’Homme avec le drapeau palestinien. Aujourd’hui en Palestine, plus d’un million de personnes, dont des femmes et des enfants, sont assiégées, déplacées, piégées dans des zones où l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins, est insuffisant et insécurisé, et même parfois inexistant. Par solidarité envers les victimes, et parce que les traités internationaux et l’aide humanitaire ne sont pas respectés, nous avons pris la décision d’accrocher ce drapeau.
Le Préfet nous a demandé de le retirer.
2- Recevabilité de la requête
En ce qui concerne la recevabilité de la requête du Préfet, nous ne la contestons pas.
3- Bien-fondé de la requête
Légalité externe
Sur la légalité externe, en application de l’article L2221-29 du Code général des collectivités territoriales, la décision de la maire n’est pas entachée d’incompétence.
Légalité interne
Concernant la légalité interne, le Préfet soulève l’existence d’une atteinte grave au principe de neutralité du service public, conformément à l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 juillet 2005. Je n’ignore pas cette décision. Néanmoins, elle était relative à une situation où le maire avait retiré le drapeau français au profit d’un drapeau régional, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, sur l’Esplanade des Droits de l’Homme, nous avons hissé le drapeau palestinien aux côtés du drapeau français, européen et ukrainien.
L’article 1er de la Constitution est bien évidemment respecté. La commune de Besançon est tenue au respect du droit.
Conformément à la jurisprudence, il existe des exceptions au principe de neutralité, comme par exemple avec le drapeau ukrainien, qui peut, lui, être apposé au fronton d’une mairie. C’est par analogie que nous avons procédé en l’espèce.
Ainsi, dans sa décision du 20 décembre 2024 N° 2208477, le Tribunal administratif de Versailles a jugé que le fait de mettre un drapeau ukrainien sur la façade d’un bâtiment public n’était pas une revendication politique mais un symbole de solidarité envers une nation victime d’une agression.
La circulaire du 24 mai 2018 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à son contrôle rappelle les conditions dans lesquelles certaines actions peuvent être entreprises : « le pavoisement des édifices et l’apposition de banderoles sur les édifices publics est possible, sous réserve de respecter la tradition républicaine et le principe de neutralité du service public. Il est toutefois clairement admis que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent mettre en avant un engagement international de solidarité de cette manière dès lors que ce dernier est conforme avec les engagements internationaux de la France ; »
Or, le Président de la République, qui assure la représentation de la France sur la scène internationale, s’est exprimé à plusieurs reprises sur la reconnaissance par la France de la Palestine comme un Etat, et sur le désastre humanitaire en cours. Ainsi, il affirmait le 30 mai dernier que la reconnaissance d’un Etat palestinien n’est « pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique ».
Le 13 juin dernier, il s’est exprimé de la manière suivante : « J’ai dit ma détermination à reconnaitre l’Etat de Palestine, elle est entière, et c’est une décision souveraine ».
Le 9 juin dernier, il s’est également prononcé sur le blocus humanitaire à Gaza, affirmant, je cite, que c’était « un scandale » et une « honte ». Il a appelé à un cessez-le-feu et à la libération des otages.
Les vœux, motions, rassemblements, communiqués de presse, et différentes expressions prises depuis le début de ce mandat municipal, sont alignés sur le positionnement du Président de la République, et donc conformes à la position officielle de la France.
La Ville de Besançon est jumelée avec le camp de réfugiés d’Aqabat Jaber en Palestine, et avec la Ville d’Hadera, en Israël. Ces deux jumelages témoignent de la proximité de Besançon avec cette région du monde.
Nous appelons, depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, à la libération de tous les otages. Le drapeau palestinien ne doit pas être confondu avec le Hamas. D’ailleurs, des voix s’élèvent aujourd’hui à Gaza, contre la politique menée par le Hamas.
Le drapeau palestinien a été hissé par solidarité, et pour des raisons humanitaires. C’est d’ailleurs là-dessus que j’ai axé mon discours, au moment de hisser le drapeau, en insistant sur l’ampleur des besoins humanitaires, et les atteintes à la dignité humaine.
Retirer le drapeau de Palestine est un signal qui pourrait mettre en émoi la population bisontine ; cela équivaudrait à retirer le message d’humanité que nous tenons à envoyer.
Les valeurs telles que la solidarité et l’humanité ne s’expriment pas que pour les États, comme l’affirme M. Le Préfet, mais elle s’exprime à l’égard de toutes les communautés opprimées pour lesquelles les municipalités hissent le drapeau (LGBT, drapeau rom…). Ainsi, l’absence de reconnaissance d’un État palestinien est sans incidence sur l’expression de la solidarité de la ville de Besançon à l’égard du peuple palestinien.
Le moyen selon lequel la présence du drapeau palestinien porterait une atteinte grave au principe de neutralité des services publics est infondé et sera donc rejeté.
Conclusion
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Madame la Présidente, de bien vouloir rejeter la présente requête formée par M. le préfet sur le fondement de l’article L. 2131-6 du CGCT. »