La Villedieu était un village paisible du plateau de Vercel, identique aux autres, avec des maisons, des fermes, une école située à côté des aisances communales habituelles, des abreuvoirs, une fontaine, un chalet de fromagerie et une église surmontée d’un très joli clocher comtois. En somme, un village qui offrait une vie normale pour les 289 habitants qu’il comptait en 1893.

Son problème ? Il était situé à proximité du camp du Valdahon et l’État décida en 1907 d’agrandir son terrain militaire et donc d’exproprier les habitants de leurs terres. La mobilisation de 1914 mit un obstacle à cette exécution immédiate, mais elle ne permit qu’un léger répit. Plusieurs décrets, pris par le Président de la République Raymond Poincaré, obligèrent fi nalement les habitants à quitter leur commune en 1926. En s’appuyant sur une ordonnance du roi Henri IV, l’État qui ne céda pas à la pression des habitants, leur demanda de se trouver de nouveaux logements et racheta leurs biens pour de modiques sommes. Tous durent quitter leur village, leurs racines et se créer une nouvelle vie. Ils furent chassés au sens propre du terme, sans un mot public, poussant devant eux leurs animaux et leurs meubles vers un nouveau foyer. C’est sans doute le coeur bien serré qu’ils jetèrent un dernier regard sur leur ancienne vie. Seule cette petite phrase fut écrite lors du dernier conseil municipal : « Notre patrimoine et notre civisme nous imposent de délaisser nos biens ».

En 1962, le Conseil d’État supprima définitivement la commune de la Villedieu et rattacha son territoire à Vercel qui s’appelle aujourd’hui Vercel-Villedieu-le-Camp. Ce fût la première commune de France à être totalement supprimée. Depuis vingt ans, une fois par an, en septembre, les derniers anciens du village et leurs descendants se retrouvent au pied de ce qui reste de l’église de la Villedieu pour un pèlerinage émouvant qui rappelle à leurs bons souvenirs la vie au village de la Villedieu…

Sophie GARNIER

Une vie de famille décimée Marie-Aline Blanchard née à la Villedieu nous raconte … « J’avais trois ans quand il a fallu quitter la Villedieu, j’ai donc très peu de souvenirs. Nous étions une famille de huit enfants. Nous étions propriétaires d’une ferme et nous sommes partis à Saules. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de trois générations pour acquérir des biens et d’un seul coup, repartir à , zéro comme simples fermiers ! […] La surcharge de travail aux champs en a tué ma pauvre mère et tous les enfants ont été placés à droite et à gauche. Notre vie familiale en a été complètement bouleversée. […] J’ai passé beaucoup de temps avec ma tante qui, elle, a vécu à la Villedieu. À force de l’entendre raconter l’histoire des familles et de la vie du village, je m’y suis intéressée et j’ai désormais très à coeur de dire que je suis de la Villedieu. Nous avons été littéralement spoliés par l’État qui n’a jamais reconnu ses erreurs. Vous rendez-vous compte, exproprier des gens dans ces conditions-là, et ce, juste après la Première Guerre Mondiale, quand tout le monde était prêt à donner sa vie pour défendre sa patrie ? Quels remerciements ! »

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