Villages FM : Bonjour Monsieur Gilles Fumey, qui êtes-vous ?
Gilles Fumey : Je suis professeur de géographie et de l’alimentation à l’Université Paris-Sorbonne et originaire de Déservillers, avec à ce titre un devoir qui est de transmettre le patrimoine que j’ai reçu des villageois, de la Franche-Comté !
Mon travail consiste à enseigner les cultures alimentaires locales françaises, européennes et mondiales mais également d’aider les jeunes chercheurs, par le biais de thèses essentiellement, à trouver les bonnes réponses aux questions qu’ils se posent sur l’alimentation de demain. Donc c’est à la fois un travail d’enseignement et de recherche. J’ai surtout publié des livres d’abord sur la paysannerie parce qu’ayant quitté Déservillers j’avais un peu le sentiment d’une forme de trahison. J’ai publié des livres à la fois sur le monde paysan, sur les paysages alimentaires, sur l’alimentation dans le monde… ses nouveaux modèles.

Villages FM : D’autres projets en cours ?
Gilles Fumey : Je vais m’embarquer sur une série de livres un peu plus pointus comme celui sur le chocolat suisse,… pourquoi les suisses sont-ils les plus gros consommateurs mondiaux de chocolat ? Mais également sur les fumés du Haut- Doubs, la saucisse de Morteau, de Montbéliard, pour mieux comprendre ce qui est à l’oeuvre dans la construction d’une alimentation par une société locale. C’est important parce que cela nous permet de voir comment l’on va inventer les modèles alimentaires de demain (…).
Gilles Fumey dans ses écrits, cite régulièrement ses origines comme ici par rapport à l’économie solidaire :
«Les hasards de la géographie du Doubs ont associé dans la même enveloppe administrative la principauté de Montbéliard, devenue française en 1793. Un «Peugeot-Land» qui arrose tout le territoire de ses vélos et autos. Cette énorme verrue industrielle née de dynasties protestantes très éduquées par une école obligatoire depuis le XVIe siècle n’a pas prospéré sur les mines de fer qui auraient permis aux premiers Peugeot de transformer un simple moulin familial en aciérie, mais par cet esprit d’entreprise qu’un paternalisme calviniste transforme habilement en bien commun comme les paysans le font dans les fromageries artisanales qu’on appelle ici fruitières. Très actives depuis le XIIIe siècle, elles reçurent ce 12 juillet 2013 Stéphane Le Foll (Ministre de l’Agriculture) dans mon village de Déservillers, trois cents habitants, qui fut la première fruitière à rassembler des communautés paysannes autour de la fabrication fromagère depuis 1273. Le premier rang de l’AOC française du Comté d’aujourd’hui vient du haut Moyen Âge. On a souvent lié ce bel esprit d’entreprise aux rigueurs du climat rendant les paysans coopératifs dans l’adversité des hivers longs. Foutaises déterministes ! Lycéen à Besançon, j’appris des archives que je consultais pour concourir comme «jeune historien» que des chartes de commerce de la famille des Chalon avaient été retrouvées au British Museum de Londres. Cette puissante famille possédait sur les plateaux des relais contrôlant le trafic de sel entre le bas-plateau et la Suisse. À proximité d’une voie romaine qui fut active plus de mille ans, les Chalon distribuaient le sel aux fromagers qui trouvaient là leur martingale pour fabriquer des fromages, les affiner et les envoyer dans tout l’Empire et jusque dans les ports espagnols cherchant des denrées non périssables pour les marins au long cours ».
Un invité passionnant que vous pouvez retrouver en écoutant Villages FM, la radio basée à Déservillers justement, le village de son enfance…

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