Un dossier d’une trentaine de pages constitué pour démontrer la volonté d’intégration apaisée mais dangereuse de ce genre de structures d’extrême-droite, s’immisçant dans des secteurs par le biais du terroir, du patrimoine, de la gastronomie, des traditions, et de la culture. Plusieurs localités ont ainsi été approchées, particulièrement dans les zones d’Ornans, Arbois/Salins-les-Bains, Mamirolle près de Besançon, et en Bourgogne où la situation est très préoccupante.

Une ligne politique rôdée, que le journaliste Damien Dubuc explique : « Les identitaires, qui défendent à la fois une soi-disant « civilisation européenne » et une forme de régionalisme, ont fait de « l’enracinement » et la défense des terroirs, rebaptisés « patries charnelles » ou « communautés naturelles », des thèmes majeurs de leur programme. Ainsi, le Bloc Identitaire (B.I.) a consacré un débat entier à l’écologie, à l’occasion de sa Convention de 2008. Arnaud Gouillon, candidat du B.I. à l’élection présidentielle de 2012, défend également le localisme.

Et pour couper court à toute accusation de racisme, affiche son respect des identités, de toutes les identités. À une condition : que chacun s’occupe de ses oignons, chez soi. Le discours est calibré au quart de poil pour coller aux aspirations environnementales tout en respectant à la lettre la ligne dure du mouvement. Derrière la promotion des particularismes locaux, la peur d’être « submergé » par l’immigration musulmane. Le rejet de l’agriculture intensive masque une vision fantasmée de la nature et un refus radical de la modernité. Les vieilles rengaines d’extrême droite ripolinées en vert. »

C’est ainsi que des villages sont choisis pour y être investis, notamment à partir du tissus associatif et social, tout en abordant un visage de façade qui ne montre rien des idéologies cachées derrière. Une version réduite de l’article publié revient sur les éléments-clés : « C’est en arpentant Internet que j’ai découvert la Caborne, structure se présentant comme une association de défense des traditions et de l’environnement. Sur leur site et les réseaux sociaux, en effet rien ne vient troubler cette image d’Epinal. À l’exception de Facebook, avec une liste d’amis pour le moins politisés.

J’en retrouve plusieurs affichant des symboles néo-fascistes et d’extrême-droite dont des noms qui me sont familiers. Départ d’investigations plus poussées. Après des recherches détaillées et l’exposition de mes doutes au plus grand nombre, je trouve une aide surprenante de la part d’un militant nationaliste qui me donne l’adresse du local et le nom des protagonistes de la Caborne. Un certain Vincent L., personnage bien connu des antifascistes locaux pour son parcours politique, et ses acolytes Michael G., boulanger à Mamirolle, ainsi que Mathieu B., figure emblématique des identitaires bourguignons.

Reprendre l’activisme de Vincent L. est nécessaire pour comprendre dans quel contexte est née la Caborne. Originaire d’Ornans, il est l’un des membres des Jeunesses Identitaires Séquanie, branche jeune du Bloc identitaire. Un conflit opposant le mouvement local au parti national fait que ce dernier ne participe plus au projet. L’organisation prend le nom de Jeunesses identitaires Franche-Comté, avec comme dirigeant le jeune Vincent L. Mais la dissolution est prononcée en 2008 suite à la dégradation d’un chantier de mosquée à Belfort où des adhérents sont impliqués. Vincent n’abandonne pas son combat, et se recentre sur sa ville d’origine.

Il fonde le cercle 1639 avec une bande de copains, et décide de participer à un projet de village racial dans le Morvan. Pendant ce temps là, un certain Terry prend en charge le collectif quand Vincent L. est absent. Très vite, Vincent L. devient éminent dans son milieu et fonde près de Dijon le cercle Vincenot. Un groupe mettant en valeur la production agricole par la vente de paniers bios directement issus des producteurs locaux, cachant une volonté politique d’enracinement de ses principes d’extrême-droite. Mais, pointé du doigt par un blog alternatif, il change de nom et devient le cercle Grevelon.
Le petit jeu continue encore quelques temps, avant qu’un dossier n’apparaisse et décide le maire de la ville à déchoir l’association de son droit d’accès aux locaux communaux. Un échec lourd qui ne freine toujours pas Vincent L. Revenu en Comté, le Bloc identitaire connait un regain, et la Caborne est fondée. Son ami Michael G. devient salarié dans une boulangerie du village, et l’appui de Mathieu B. se fait constant. D’autres secteurs sont également touchés par leur influence mais dans une moindre mesure, mais, bien que la question se pose, la constitution d’une commune 100% identitaire ne semble pas à l’ordre du jour.

De très nombreux indices retrouvés notamment sur Internet démontrent le fil ici évoqué. Après vérification, l’adresse de la Caborne correspond bien à la boulangerie. Un regard par la fenêtre lors d’une soirée à suffit pour lever tout les doutes. J’apprends également que Vincent vit à Salins-les-Bains, à l’adresse officiellement donnée pour la Caborne. Il participe à une A.M.A.P. ainsi qu’au bénévolat dans une structure de vignes biologiques. Vincent L. recherche d’ailleurs un terrain pour faire pousser un potager, ainsi qu’un partenaire pour faire du vin.

Un petit tour en Bourgogne montre que les diverses organisations identitaires du coin sont particulièrement liées avec la Caborne. Repas, actions communes, conversations, de nombreux points le confirment. Dans ce cadre, l’association des Racines et des Elfes apparait. Un site agréable et une pléiade de bénévoles qui cachent la Desouchière, habitat racial bourguignon. C’est donc une structure incroyablement dense qui est mise au jour, avec comme leçon une vigilance toujours accrue face à l’extrême-droite radicale qui n’hésite pas à cacher ses idées et faire du social pour mieux s’intégrer. »

Le cas du cercle 1639 est en effet un bon exemple. A la base, il s’agit du regroupement d’une bande copains dans la région d’Ornans. Campings, randonnées, bonnes bouffes, avec comme saint graal le château de Scey-Maisières, assiégé en 1639 par les Suédois. La fête des Failles, grande tradition comtoise, est elle aussi érigée en véritable événement à reprendre. Mais très vite les aspirations politiques apparaissent : lutte contre l’I.V.G., haine des musulmans et des communistes, « lutte pour la terre. » Une structure loin d’être un cas unique, puisque les responsables – encore ce fameux Vincent L. – en recréent au fur et à mesure des besoins et des déconvenues. Ainsi est apparue depuis environ un an la Caborne, près de Besançon.

Mais, bien qu’ayant une apparence de prime-abord sympathique, il ne faut pas s’y tromper. C’est ce que rapporte le gérant de la Desouchière, l’habitat racial du Morvan, dans un forum dont les écrits ont été retranscris publiquement : « Le but de l’association doit être fixé de manière claire, de façon à ce que chacun en soit bien conscient, avant de s’engager de la façon qui lui convient. Cependant, il faut demeurer relativement évasif dans les documents officiels (statuts des sociétés et associations éventuelles), de manière à ne pas prêter le

flanc à la critique de nos adversaires, ni éveiller les soupçons des autorités du lieu finalement choisi. L’implantation ne doit pas être avant tout politique.

À mon sens, le but premier doit être de s’intégrer et de se faire accepter, apprécier, des habitants du cru, en adoptant un comportement exemplaire (…). Si le projet est bien amené, bien présenté, sans provocation, les gauchistes ou autres nuisibles n’y verront que du feu (…). Il suffira d’employer les arguments simples de « développement durable » ou de « mise en valeur du patrimoine local » très en vogue actuellement. Et surtout être discrets sur nos buts et notre philosophie. À long terme, cette stratégie pourrait permettre de briguer des mandats aux élections locales, sans pour autant que le candidat potentiel soit identifié comme appartenant à l’extrême-droite. Il serait judicieux de choisir une commune peu peuplée afin de pouvoir assez rapidement placer un maire « souchien » (à comprendre, français de souche).

Si nous sommes suffisamment nombreux, nous pourrons mécaniquement gagner les municipales. Il faut donc s’installer dans une commune déjà existante et réussir à y placer notre maire. Le contrôle de la mairie nous permettra de contrôler les permis de construire et en conséquence, de contrôler l’accroissement, la rigueur des constructions, le bon emploi des fonds publics et la tenue de l’école. Imaginez donc une commune en voie de désertification, avec cent électeurs inscrits – car c’est ainsi dans les campagnes, il y a toujours plus d’électeurs inscrits que d’habitants à l’année, enfants compris – et dix nouveaux arrivants, qui sont trente au bout de 18 mois et plus de cinquante en trois ans : ils prennent ensuite la mairie avec leur liste entière sans problème. »

Une volonté suivie d’essais et même de réalité au Morvan, ne pouvant qu’inquiéter ici. Aujourd’hui dévoilé, le réseau identitaire de Franche-Comté va devoir se restructurer totalement s’il veut retenter l’aventure. Un coup dur pour cette organisation, n’ayant qu’en recours la possession d’un masque pour parvenir à ses vils desseins. Car une fois tombé, c’est tout le projet qui est abandonné car l’infiltration rendue impossible. Rester vigilant et en parler reste alors la meilleure des solutions pour se prémunir de cette extrême-droite insidieuse et rusée.

Lire ici  : l’enquête complète

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